1969 : l'année égotique
En janvier 1969 paraît le 45T "Fumée", associé à un morceau plus bluesy, "Je suis l'amour". Les deux chansons sont interprétées chez Drucker, où le chanteur, barbe fine et yeux hagards, apparaît tout de blanc vêtu.
Début février, il
séjourne avec son épouse à Rio de Janeiro. Le 15, il annonce la
constitution officielle d'un nouveau groupe pour sa tournée française.
Elle précède un show démesuré qui démarre le 26 avril au Palais des
Sports de Paris.
Jusqu'au 4 mai, pas moins de 165 000 personnes
se seront déplacées pour ce spectacle autopromu "halluciné et
hallucinant". En plus de son groupe, Johnny a convoqué 17 musiciens
classiques, dirigés par Jean-Claude Vannier. Le show se déroule sur
deux scènes et se termine dans un combat de boxe avec une chanson
inédite, "Caché derrière mes poings". Simultanément sortent l'excellent
45T "Rivière ouvre ton lit"/"Je te veux" et un album live du spectacle,
"Palais des Sports 69".
L'actualité
discographique s'accèlère. Le 6 mai voit également paraître le LP "Je
suis né
dans la rue", avec l'équipe
des Stones aux manettes. La direction musicale a été entièrement
confiée
à Micky Jones et Tommy Browne, qui donnent une couleur heavy-blues à
l'ensemble du disque, enregistré dans les mythiques Olympic Studios.
Un ou deux titres un peu faibles ("Viens") n'empêchent pas
cet album de figurer parmi les oeuvres les plus cohérentes et abouties
d'Hallyday. On remarque notamment Ronny Laine et Steve Marriot, deux
membres du groupe Small Faces (dont le chanteur, Rod Stewart, n'a pas
encore viré soupe), à la guitare, à l'orgue et à la basse, et les
chansons adaptées de leur répertoire conviennent bien à l'écrin
("Réclamation"). Si on n'y entend pas de cuivres, la pochette
intérieure montre Jean Tosan, saxo depuis 1961, et
Gérard Pisani à la trompette, qui rejoindra peu de temps après le
groupe Martin Circus.
L'album
sera pourtant éclipsé rapidement par une
autre chanson qui n'y figure pas. Le 7 mai, les célèbres Gilbert et
Maritie Carpentier réalisent pour la télé le fameux "Show Smet". Johnny
et Sylvie s'en donnent à coeur-joie dans différents tableaux (dont un
"Adam et Eve" d'anthologie, où le chanteur joue aussi le rôle du
serpent). C'est ce soir-là qu'est aussi présenté "Que je t'aime" à des
millions de téléspectateurs. Il est dit que personne n'avait prévu de
publier
cette chanson en 45T (elle figure cependant sur le live), mais la
réaction du public à l'écoute de ce slow torride
en décidera autrement. Fin mai sort donc le single "Que je t'aime",
dernier "super 45T" de l'idole (à l'avenir, les singles comporteront
deux titres au lieu de quatre). Numéro un tout l'été, il s'écoulera à
plus de deux millions d'exemplaires : c'est à ce jour le plus gros
carton en simple du rocker.
Durant l'été, Johnny Hallyday se
rend en Espagne. Il tourne, sous la direction de Sergio Corbucci, un
western spaghetti, "Le spécialiste", l'histoire d'un cow-boy qui revient venger son frère. Le film ne fera pas recette, et
pour cause. N'est pas Clint Eastwood qui veut.
En
septembre est mis en boîte le premier duo officiel avec Sylvie Vartan :
"Les hommes
qui n'ont plus rien à perdre", qui figurera, heureusement, sur l'album
de madame. Un 45T inédit, la B.O. du téléfilm "L'or des Mackenna", sort
aussi à ce moment. Une chanson en deux parties, dont la signature de Quincy Jones représente le seul intérêt.
Une
tournée triomphale à travers la France et en Belgique se poursuit, de la rentrée
jusqu'en décembre. Gilles Thibault, le parolier de "Que je t'aime", lui
souffle un soir après le show l'idée de réaliser un opéra-rock ("Hair" déferle sur les écrans). Les prémices
d'"Hamlet Hallyday"...